Rien ne se perd, rien ne se crée... Si l'on applique à l'eau ce principe célèbre, la Terre ne devrait pas en perdre une goutte. Et pourtant, les réserves d'eau potable de l'humanité fondent comme neige au soleil. |
L'eau sur Terre effectue un cycle qui la fait passer successivement par tous ses états. Sous forme de gaz, à l'état de vapeur d'eau dans l'atmosphère, sous forme liquide tombant en pluie et alimentant les rivières, les plans d'eau, les océans et les nappes souterraines, sous forme solide stockée dans les glaciers, les champs de neige, les calottes glacières, les icebergs, etc. Sans compter l'eau présente dans les tissus des êtres vivants, qui en consomment et en rejettent eux-mêmes. Toute molécule d'eau ne sort jamais de ce cycle qui peut pourtant se dérégler.
Des perturbations qui découlent généralement d'une utilisation mal appropriée de ses ressources. Une mauvaise gestion de certains sols, une irrigation anarchique, l'excès de rejets polluants, et, en premier lieu, la déforestation induisent de profondes modifications du bilan hydrique. Elles peuvent, par exemple, conduire au comblement d'un cours d'eau, à l'assèchement d'un plan d'eau de petite ou de grande taille comme la mer d'Aral, ou encore à la pollution d'une étendue d'eau allant d'une nappe phréatique à un océan tout entier, voire la réduction des précipitations restreignant potentiellement l'eau disponible pour l'humanité.
Des réserves suffisantes mais mal réparties
Sur les continents, le flux d'eau entrant dépasse largement le flux sortant : les pluies représentent 110 000 km3 contre 70 000 km3 pour l'évaporation. La différence n'est pas totalement accessible à l'homme : si l'on retranche l'eau qui s'infiltre profondément dans les terres, celle qui est mobilisée dans les glaces ou qui se perd dans les régions inhabitées, il nous reste 9 000 km3 d'eau par an. Sachant que 400 m3 sont nécessaires aux besoins vitaux annuels d'une personne, les réserves d'eau douce de la planète peuvent satisfaire les besoins minimums de 20 à 25 milliards de Terriens. Malheureusement, l'eau se répartit inégalement dans le temps et selon les régions. Trois cent millions de personnes vivant en Afrique et au Moyen-Orient manquent d'eau. En 2025, la pénurie d'eau affectera 35 pays, plus d'un milliard d'habitants. Toute l'Afrique du Nord, des pays comme Israël, l'Arabie Saoudite, des régions entières de Chine ne pourront bientôt plus satisfaire leur propre demande.
Epuration et assainissement, deux facteurs déterminants
La consommation domestique ne représente pas l'essentiel des prélèvements, tant s'en faut, puisqu'elle arrive au troisième rang, loin derrière l'agriculture et l'industrie. Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), l'agriculture bénéficiera de 62,6% de l'eau consommée en l'an 2000. Sa part atteignait 90,5% au début du siècle. Durant cette période, les besoins de l'industrie seront passés de 6,4 à 24,7% et ceux des villes de 2,8 à 8,5%.
Si certains pays puisent dans leurs stocks d'eau plus vite qu'ils se renouvellent, d'autres, parfois les mêmes, connaissent de gros problèmes de salubrité liés à des défaillances dans la collecte, l'assainissement et l'épuration de leurs eaux usées. Des villes entières ne possèdent aucune installation de traitement de l'eau. Les égouts se déversent directement dans la rivière ou dans la mer, provoquant de grosses pollutions. Dans les pays en voie de développement, un milliard de personnes dispose d'une eau non potable. La croissance démographique et le développement des mégalopoles aidant, elles seront 2,5 milliards en 2030. Mais, rappelle Jean Margat, du Bureau de recherches géologiques et minières (BTGM), le pourcentage de population disposant d'un système d'assainissement n'est qu'un indicateur de la qualité de l'eau. IL faut aussi prendre en compte le taux d'élimination de la pollution domestique, qui dépend du taux de collecte et du rendement d'épuration. Dans un pays à la pointe de la technologie en matière de traitement de l'eau comme la France, 35% des eaux usées ne passent pas par une station d'épuration. Réseaux de collecte pas assez développés, pas raccordés aux stations ou en mauvais état, les raisons ne manquent pas pour expliquer ce résultat médiocre. Le rendement d'épuration moyen des stations dépuration de l'Hexagone atteint tout juste 70%. Bien qu'il soit en nette progression depuis une dizaine d'années, le taux de dépollution national de nos eaux usées n'est donc que de 45%. Et c'est l'un des plus élevés au monde... D'ailleurs la technologie française est la plus performante en la matière. Ce que semble oublier les Français. Il faut dire que nos deux compagnies nationales, la Générale des eaux et la Lyonnaise des eaux n'ont pas travaillé pour leur image de marque. De nombreuses affaires de corruption ont éclaté au grand jour au début de cette année. La bataille de l'eau ne fait que commencer. Le prix de l'eau au robinet a augmenté de 30% en trois ans... Il devrait atteindre une moyenne de 15,60 F le mètre cube dans deux ans. Et beaucoup plus à la fin du siècle. Car après s'être occupé de la qualité des nappes phréatiques ou des effluents ménagers, les industriels doivent relever un nouveau défi : le traitement des eaux pluviales. Il n'est pas rare de voir la Seine couverte de poissons morts après un orage et pour cause : les eaux pluviales charrient la pollution atmosphérique chargée d'oxyde d'azote, de dioxyde de soufre, etc., ou les nombreux hydrocarbures souillant les routes et les parkings.
Dans un récent rapport réalisé par OTV, une filiale de la Compagnie générale des eaux, les experts sont formels : " Il apparaît de plus en plus clairement que le traitement des eaux pluviales implique des investissements considérables, hors de portée des collectivités locales ". L'eau est non seulement une denrée rare, mais elle deviendra également de plus en plus chère.