Texte: Les déserts

Champs de dunes, plaines de rocaille, steppes desséchées : un tiers des terres du globe meurent de soif. Régions infertiles où la pluie se fait rare, où la faune, la flore et l'homme déploient mille astuces pour survivre. Accrochez-vous à la caravane pour une grande traversée des déserts.

Agglutinés aux deux tropiques, ils affichent à perte de vue leurs dunes de sables, billes de cailloux et dalles de boue. Longtemps à l'abri des explorateurs curieux, les voilà aujourd'hui bien aplatis sur toutes les cartes de géographie, l'étiquette " désert ", les voilà aujourd'hui bien aplatis sur toutes les cartes de géographie, l'étiquette " désert " en travers. Ils monopolisent déjà le tiers des terres émergées et, aux dires des spécialistes, grignotent près de 10.000 ha chaque jour de l'année...

Et si les plaques tectoniques continuent sur leur actuelle lancée, dans cent millions d'années, le globe sera transformé en un caillou désertique émergeant au beau milieu de la flaque d'eau des océans... Mais seront-nous là pour le constater, c'est une autre question.

N'importe quelle poignée de terre au soleil ne peut être taxée de désert ; les géologues se sont longtemps arraché les cheveux pour trouver une manière précise de les qualifier : pendant longtemps étaient reconnus désertiques les terrains qui ne recevaient pas plus de 25 cm d'eau par an. En comparaison, à Paris, c'est le déluge ; Il y tombe en moyenne 62,4 cm d'eau par an. Mais à certains endroits du globe, bien qu'il pleuve un peu plus que 25 cm par an, la chaleur est telle que l'eau s'évapore aussitôt. Il faut donc tenir compte non seulement des précipitations, mais aussi de l'évaporation. Lorsque la quantité d'eau tombée du ciel est inférieure à celle qui part en vapeur, le sol devient aride, et la région, désertique.

Désert d'Arabie : le pays des mille et une dunes

Entre le golfe Persique et l'océan Indien, se déploient sur 2 300 000 km² une infinité de dunes. Soit la plus vaste étendue de sable au monde : le désert d'Arabie. Pas de chaîne de montagnes à l'horizon pour retenir les nuages, et pourtant les gouttes désertent la région. Le boycott de la péninsule est le résultat d'un jeu compliqué de mouvement d'air : au-dessus de l'équateur, là où le soleil tape dur, l'air s'échauffe facilement. L'air chaud étant plus léger que l'air froid, la masse d'air au-dessus de l'équateur s'élève. Cette colonne d'air chaud et léger forme à cet endroit une zone de basse pression.

Mais, au cours de son ascension, elle perd peu à peu sa chaleur. En refroidissant, la vapeur d'eau qu'elle contient se transforme en gouttes d'eau : il pleut souvent près de l'équateur. Le nuage, ainsi débarrassé de son eau, continue à s'éloigner de l'équateur et redescend un peu plus loin à une latitude de +30° et de -30°, de part et d'autre de l'équateur, au-dessus des tropiques exactement. Une zone de haute pression formée par des masses d'air desséchées se constitue à cet endroit. Ce nuage dense et sec pompe toute l'eau du sol et provoque une très grande évaporation des eaux de surface. Voilà donc pourquoi la majorité des déserts sont collés aux tropiques.

Sous ces cieux secs, le désert d'Arabie ressemble à un champ de croissants à perte de vue. Crête contre pente, dune contre dune, les vagues à l'allure régulière ne se répètent jamais. Dunes dansantes au gré des vents ; Aridité et souffle de l'air sculptent le paysage : en l'absence d'eau, les roches deviennent friables et le vent arrive à décrocher des particules de sable. De plus en plus chargé en grains, le vent ralentit et dépose d'abord les gros grains plus lourds et ensuite les autres. L'ensemble forme un croissant qui présente son dos au vent. Puis peu à peu les grains qui se trouvent à l'arrière de la dune sont transportés vers la crête. De là ils roulent vers la base et viennent remplir le creux du croissant. Ainsi s'estompe une dune pour se reformer aussitôt quelques mètres plus loin. Un même tas de sable se déplace d'une dizaine de mètres par an.

Bédouins : les nomades des nomades

Au sud du désert d'Arabie, se dresse le Rub'al-Khâli, " le quart vide " où personne n'ose s'aventurer. Le " Désert des déserts " comme on l'a surnommé, est encore aujourd'hui l'une des contrées les moins fréquentées du monde. En 1932, le Britannique Bertram Thomas fut le premier explorateur à sillonner cette gigantesque mer de sable. Depuis peu, d'autres Occidentaux l'ont tenté. Dernier en date, le Français Thierry Mauger a partagé pendant dix ans la vie des bédouins, uniques habitants de cette terre stérile, où la pluie se met parfois des années aux abonnés absents. " Aucune vie sédentaire n'est possible, sur ce territoire aux points d'eau rares et dispersés, seuls des nomades peuvent survivre ". Sont-ils quelques centaines ou plusieurs milliers ? Difficile de savoir quand leur vie n'est qu'une longue errance. Un exode sans fin d'un maigre pâturage à un autre pour nourrir leurs biens les plus précieux : dromadaires, chèvres et moutons. Matière première, denrée alimentaire, symbole de richesse : tout l'univers de ces pasteurs tourne autour de leur troupeau.

Au lever du soleil, après les ablutions rituelles, effectuées avec du sable - l'eau est trop précieuse pour être gâchée pour une quelconque toilette - les hommes s'en vont faire paître les chameaux, les femmes le reste du cheptel. Au crépuscule, retour au campement. A l'entrée de la tente en poils de chèvre, toute la famille est réunie pour le dîner. Au menu : lait de chamelle et pain cuit, à même le sable, sous une couche de braises. Foyer, ô doux foyer, pour alimenter le feu, il faut parfois fouiller longtemps le sable pour dénicher quelques morceaux de bois mort ou de crottes séchées. Assis en tailleur autour de l'âtre, petits et grands écoutent attentivement les récits des anciens, mémoire vivante des us et secrets du désert. Dans ce nulle part de dunes, ils savent mieux que personne retrouver les points d'eau ancestraux portant la marque de la tribu, identifier à ses seules traces dans le sable une bête qui s'est égarée. Une véritable science de la survie.

Puis, chacun savoure un dernier verre de thé ou de café - seuls breuvages consommés, car l'eau, souvent saumâtre, est systématiquement bouille - se laissant bercer par des poèmes improvisés ou des chants au son du violon " rebab ", à une corde. Avant de s'allonger tout habillé, enroulé dans une couverture sur le sol de la tente. Demain la journée sera longue. Comme de coutume, une fois par semaine, une virée au souk de l'oasis la plus proche s'impose. Indispensable pour vendre quelques bêtes et se procurer l'essentiel : farine, dattes, allumettes, tissus pour les vêtements et bijoux en argent ou en or façonnés suivant les modèles traditionnels par un artisan attitré. A l'aube, il faudra lever le camp et marcher, avec pour seule boussole la position du soleil et la sculpture des dunes par les vents dominants.

Désert de Gobi : la sécheresse sur un plateau

Quelques touffes éparses et une poignée de cailloux perdus dans le sable, : juché à 1 000 m d'altitude, le désert de Gobi n'est qu'un ramassis de grandes cuvettes naturelles. Campé à la même latitude que Paris, il est simplement bien trop éloigné de la mer pour profiter de l'arrivée d'air humide.

L'histoire commence il y a 100 millions d'années. A l'époque, la péninsule indienne était collée à ... l'Antarctique. L'Asie, entourée d'océans, barbotait tranquillement : le vent marin apportait une bonne dose d'humidité et fertilisait les régions. Il y a à peu près 95 millions d'années, l'Inde se détache et vogue à raison de 30 cm par an à travers l'ancêtre de l'océan Indien. Un voyage tectonique qui prend fin il y a 50 millions d'années lorsque la plaque indienne percute de plein fouet l'Asie. Ce choc titanesque qui continue encore aujourd'hui a donné naissance à la chaîne de montagne de l'Himalaya et, du coup, a isolé les régions centrales de l'Asie. Loin de la mer et un peu protégé par des montagnes qui arrêtent les masses d'air humide, le cœur de l'Asie s'est peu à peu asséché en désert de Gobi. La zone aride s'est étendue du Turkestan à la Mongolie.

Kalahari : la soif de vivre des Bochimans

Quelque part au bout du monde, entre le Botswana et la Namibie, une poignée de petits hommes parlent en faisant cliqueter leur langue n'ont jamais vu une bouteille de Coca. A se demander si " Les dieux sont tombés sur la tête "... Ainsi, pour la première fois au cinéma, on présentait ces pygmées d'Afrique australe, héritiers d'une civilisation vieille de 35 000 ans : les Bochimans. Ils sont quelque 60 000 disséminés au sud du continent, mais un millier d'entre eux survivent encore au centre du désert de Kalahari.

Sur cette terre asséchée grande comme deux fois la France, parsemée de broussailles, ils subsistent de chasse et de cueillette. A la saison des pluies, ce sable rouge alimente des végétaux variés, attirant herbivores et prédateurs. Puis, pendant 300 jours par an, pas une goutte ne descend du ciel. Dès lors, adieu menu et gros gibier. Les Bochimans se disputent les rares proies avec les lions. Mais, quitte à se nourrir chichement de graminées ou de scarabées, ils ne s'éloignent jamais trop de leur campement. Car c'est ici, à proximité de ces huttes en branchages, qu'ils ont enterré leurs réserves d'eau. Tout le secret de leur survie ! Ils déploient des trésors d'ingéniosité pour recueillir le précieux liquide, l'extraire d'un sol imbibé, de végétaux ou de la panse de certains animaux.

L'eau de pluie est ainsi récupérée dans des œufs d'autruche ou des carapaces de tortue rebouchés d'un mélange de bouse et de gomme d'arbuste. Concombres et melons sauvages sont autant de poires pour la soif. Ils savent aussi repérer un trou d'eau contenue dans la souche d'un arbre ou encore pomper l'humidité du sol avec une paille de fortune. Ultime recours, chez certaines tribus : la confection de petits cratères où l'on entasse des herbes et que l'on recouvre de sable pour créer une condensation. Il suffit ensuite, au moyen d'une paille, d'aspirer goutte à goutte le précieux breuvage.

Désert du Namib : l'épopée des buveurs de brumes

Six heures du matin. Une brume épaisse monte de la mer, noie le désert du Namib dans une opacité compacte. C'est le moment que choisit Onymacris unguicularis pour sortir du sable. La tête du scarabée émerge puis son corps tout entier. L'insecte escalade à pas lents la crête de la dune. Commence alors une étonnante séance de yoga. Onymacris se cambre sur ses pattes arrières, inclinant son abdomen face à la brume. De minuscules gouttelettes d'eau se condensent sur les élytres refroidis par la nuit. Une perle transparente pointe à son derrière, grossit et finit par dévaler jusqu'à la bouche : Onymacris a étanché sa soif pour la journée !

Les brumes qui enveloppent les dunes côtières du Namib tous les matins sont quasiment la seule source d'eau constante et régulière du désert. Il pleut de 10 à 15 mm d'eau seulement chaque année, et la température au sol peut s'élever jusqu'à 70°C ! Et pourtant, depuis des milliers d'années, Welwitschia mirabilis survit dans cet enfer. De loin, ces plantes ressemblent à de vieilles méduses échouées sur le sable. Leurs deux feuilles sont larges, coriaces, lacérées à leur extrémité, et pendouillent lamentablement sur le sol. On dirait vraiment qu'elles ont pris un coup de chaud et qu'elles sont au bord de l'agonie. Il n'en est rien, et la plante est parfaitement hydratée. Une longue racine pivotante de 20 m de long va puiser l'eau cachée dans le sous-sol. Welwitschia profite aussi de la brume matinale. Le brouillard se condense sur les feuilles, les gouttes s'infiltrent dans le limbe et sont canalisées par un réseau de fibres jusqu'à la zone de stockage, au cœur de la plante.

Sahara : le plus grand désert du monde

A cheval sur le tropique du Cancer s'étend la plus adulée des terres arides : le Sahara. L'aventure de ce super désert commence il y a 420 millions d'années. Le Sahara est alors couvert de glace. Normal, il se trouve au pôle Sud, avec le reste de l'Afrique et l'Amérique du Sud, qui ne se quittent pas d'un pouce. Vers 380 millions d'années, notre bout de terre commence à s'ébranler : il se rapproche lentement mais sûrement du tropique du Capricorne (au sud de l'équateur). Toutes les conditions semblent réunies pour qu'un désert chaud apparaisse. Manque de chance, vers 280 millions d'années, la mer reprend le dessus et en profite pour déposer d'épaisses tartines d'argile, de grès ou de calcaires, les futurs puits de pétrole. De cette période marine, les sédiments d'Algérie et de Libye ont gardé quelques traces : des os de dinosaures amateurs d'herbes, de crocodiles et de tortues qui barbotaient dans les lacs ou de vastes marécages.

Jusque vers 220 millions d'années, il dérive vers le nord en direction de l'équateur et se trouve alors au sec sous les latitudes tropicales de l'hémisphère Sud vers 140 millions d'années. Vers 100 millions d'années, plouf ! le Sahara replonge pour ne ressortir que vers 40 millions d'années. Les mers se sont définitivement retirées, et les contours du nord de l'Afrique ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux que nous connaissons aujourd'hui. Depuis, le Sahara est à la merci des aléas du climat, étroitement liés aux caprices des courants océaniques... Il subit des périodes de pluies diluviennes suivies de sécheresse, comme celles que nous traversons depuis 5 000 ans.

Dans ce paysage aride, un flot de structures étranges évoque des visions hallucinatoires. Des plateaux de roches en équilibre sur des buttes de cailloux aux formes aérodynamiques sont disposés dans la direction des vents dominants. Ces yardangs résultent de l'action d'un vent très chargé en sable qui percute une roche friable comme la craie.

Le chameau roi

La caravane, accablée de chaleur, a stoppé un instant au sommet d'un tertre hérissé de cailloux. En contrebas, une palmeraie s'étale sous les yeux des chameliers. Déjà, les dromadaires ont senti la fraîcheur de l'eau et hâtent le pas. A l'oasis, les bêtes sont déchargées et conduites à l'abreuvoir. Jambes écartées et têtes baissées, les chameaux commencent à boire. Dix minutes plus tard, ils se relèvent, l'estomac gonflé de 135 litres d'eau ! Ils peuvent à nouveau se passer de boire pendant une quinzaine de jours sans mettre leur vie en danger. En période d'abstinence, le dromadaire réhydrate son corps en " brûlant " les graisses de sa bosse. Cent grammes de lipides oxydés donnent exactement 107 g d'eau. Un chameau avec une énorme bosse de 40 kg transporte par conséquent sur son dos une citerne de plus de 40 litres ! Pareille réserve ne l'empêche pas d'être prudent et économe. Le dromadaire transpire très peu. Il ne commence à perdre de l'eau par la peau que lorsque sa température interne atteint les 40°C.

Dans le désert, les êtres vivants suent le moins possible et utilisent diverses méthodes pour se rafraîchir : le fennec, le renard famélique, le lièvre du Cap ou le chat des sables ont des oreilles démesurées par rapport à leur tête. Irriguées par de nombreux petits vaisseaux sanguins, elles jouent le rôle d'échangeurs de chaleur entre le corps et l'air ambiant : le sang trop chaud de l'animal vient se refroidir dans les oreilles. Les animaux diminuent ainsi de quelques degrés leur température interne. D'une manière générale, la faune du Sahara évite de cuire en plein soleil. Dans la journée, les animaux restent au frais dans leur terrier. Le fennec, par exemple, ne sort qu'une heure avant le coucher du soleil pour aller chasser. Ce petit renard traque des rongeurs et des oiseaux. La viande et le sang de ses proies suffisent à lui apporter la quantité d'eau dont il a besoin. Le fennec, comme d'ailleurs le lièvre du Cap ou le chat des sables, ne boit quasi jamais !

Les gangas sont moins chanceux : ne mangeant que des graines dures et sèches, ces oiseaux doivent périodiquement aller se ravitailler dans les oasis. Ils ont cependant un gros avantage : ils volent ! Et peuvent donc aller chercher l'eau là où elle se trouve, parfois à plusieurs dizaines de kilomètres. Les oisillons, en revanche, sont collés au nid, et les gangas adultes ont recours à la technologie du canadair pour éteindre la soif de leurs enfants. Lorsqu'ils s'abreuvent, les parents immergent leur poitrail parfois pendant un quart d'heure dans la mare avant de rentrer au bercail. Les plumes du ventre, d'une conformation très particulière, absorbent l'eau comme une éponge, et font office de réservoir. Quand les adultes sont de retour, il suffit aux jeunes de farfouiller avec le bec dans leur plumage pour se désaltérer.

Sonora : le règne des cactus

Pendant des mois, au fin fond de l'Arizona, un soleil de plomb grille le désert de Sonora. Les buissons à demi morts ont depuis longtemps perdu leurs feuilles. Seuls les cactus saguaro semblent se moquer de la chaleur torride. Ces gigantesques colonnes, étonnamment vertes, dressent leur silhouette hautaine au-dessus de ce paysage de désolation. Mais en cette fin avril, le temps bascule. De gros nuages noirs ont obscurci le ciel, et l'orage, tant attendu, s'annonce enfin en un éclair. Des trombes d'eau se déversent sur le sol surchauffé. A quelques centimètres sous terre, les racines tentaculaires du saguaro épongent la pluie comme du papier buvard. Le cactus géant a déployé une immense toile racinaire autour de lui pour boire tout son soûl dès que le ciel du Sonora se fâche.

La tige du saguaro ressemble à un soufflet d'accordéon. En période de sécheresse, le tronc est tout plissé, ratatiné. Mais, après un gros orage, il gonfle : les plis s'ouvrent et la circonférence du fût et des branches latérales augmente au fur et à mesure que le cactus avale de l'eau. Plein comme une outre, le saguaro doit maintenant faire durer ses réserves le plus longtemps possible. Pour cette raison, il n'a plus de feuilles mais des épines. Ces pointes acérées ne transpirent quasiment pas et, avantage appréciable, elles écartent les herbivores trop gourmands. Précaution supplémentaire : le cactus s'enduit la " peau " d'une épaisse couche de cire qui freine un peu plus encore l'évaporation de ses stocks d'eau.

Le saguaro s'engage dans une perpétuelle épreuve de force contre le désert. D'autres végétaux préfèrent une tactique moins fier à bras mais tout aussi efficace : la fuite ! Ces dégonflés passent la quasi-totalité de leur existence enfouis sous forme de graines dans le sable. S'il se met à pleuvoir abondamment, les graines germent et donnent naissance à une plante qui fleurit et produit à son tour des graines. En l'espace de quelques jours, parfois de quelques heures, ces végétaux accomplissent un cycle vital qui dure en moyenne de trois à quatre mois en France ! Le soleil du Sonora peut bien cogner fort peu importe, puisque les plantes sont toujours vivantes à l'abri dans le sable sous forme de semences.

Le crapaud pélobate est un autre adepte de la stratégie du " courage, fuyons ! ". Il roupille toute l'année dans un trou sous le sable et attend le déluge pour daigner sortir de sa retraite. Si les pluies sont suffisamment abondantes, il tente de se reproduire. Les femelles pondent dans les mares temporaires des milliers d'œufs que les mâles fertilisent. Les têtards éclosent. S'engage alors une terrible course contre la montre. Car, avec le retour du beau temps, les flaques s'assèchent très vite. Bientôt les têtards barbotent dans une eau boueuse. Les plus costauds dévorent les plus faibles et achèvent leur développement en l'espace de neuf jours seulement (il faut de deux à trois mois aux têtards européens pour se métamorphoser !). Dès que leurs pattes sont formées, ils se réfugient dans un terrier en attendant les prochaines pluies. Derrière eux, ils laissent les dizaines de cadavres de leurs frères et soeurs qui, eux, n'ont pas eu le temps de se transformer en crapauds.

Patagonie : une langue sèche entre monts et flots

A la pointe de l'Amérique du Sud, entre la mer et la montagne, s'étend la Patagonie. Haut plateau caillouteux au climat sec, froid et venteux, survolé par quelques aigles et hérons. Responsable de la sécheresse de cette langue de Terre : la chaîne des Andes, qui la sépare du Pacifique. Cette barrière naturelle d'une hauteur de 4 000 m en moyenne garde prisonniers les nuages de basse altitude chargés d'eau. Pour passer à travers ces imposants sommets, les masses d'air prennent de l'altitude et leur température baisse. La vapeur d'eau se transforme en pluie, arrosant la bande côtière et les versants ouest. Une fois les montagnes franchies, les nuages sont totalement asséchés. Résultat : pas une seule goutte ne vient s'écraser du côté des versants est.

Désert australien : une vie de " rêve "

Au cœur de l'Australie, dans le " bush ", cette brousse semi-aride où seules fleurissent quelques pousses d'acacias et d'eucalyptus, pendant près de 40 000 ans des aborigènes ont mené leur existence comme une constante expédition de survie. Dans ces plaines désertiques où règnent le sable et les cailloux, où la température plonge en hiver au-dessous de 0° C et culmine à 50° C en été, subsistaient encore, il y a vingt ans, ces tribus de chasseurs cueilleurs. Ne pratiquant ni l'agriculture ni l'élevage, mais forts d'une connaissance millénaire, ils lisaient dans cette terre stérile comme à livre ouvert.

Dans cette contrée où les pluies sont aussi rares que brèves, la quête de l'eau les invitait à un éternel voyage. Quand, au regard d'une touffe d'herbe particulière, à la forme d'un rocher, ils décelaient une rivière souterraine ou un puits à demi tari, ils s'installaient quelques jours sous un auvent de buissons ou de branchages. Juste le temps de s'abreuver, et en route ! Pas de réserves d'eau ou de nourriture, pas d'ustensiles à transporter. Pour ton bagage, les femmes portaient leurs bébés sous le bras, dans une main un bâton à fouir pour déterrer en chemin racines, tubercules et insectes. Les hommes, armés seulement d'une lance en bois ou d'un boomerang, guettaient le gibier. Heureux celui qui réussissait à abattre quelques kangourous ou serpents dans l'année.

 Au menu des aborigènes du bush, 70% de l'alimentation était végétale. Pour le reste, pas question de faire la fine bouche. Toute protéine était bonne à consommer, y compris les teignes, en guise d'amuse-gueule. Pilées sur une pierre plate, des graminées sauvages mélangées à un peu d'eau constituaient le pain quotidien cuit au feu. Point de silex pour allumer l'âtre, le frottement d'un bout de bois dur contre un bois tendre créait l'étincelle. Un morceau de braise incandescent était ensuite transporté de campement en campement pour allumer d'autres foyers. Pyromanes par nécessité, ils provoquaient des incendies pour faire éclater certaines graines qui sinon n'auraient jamais germée. Pourtant, à ces activités vitales, ils ne consacraient pas plus de deux heures par jour. Le reste du temps, chacun entretenait sa part de " rêve ", culte du territoire spirituel hérité d'un prestigieux ancêtre. La musique, la danse, au son sourd de l'imposante flûte didjeridoo, les dessins rituels peints sur le corps à base d'ocres rouge et jaune, argile blanche et charbon pilé, ou tracés sur le sable, rythmaient et remplissaient pleinement leurs journées. Assez, sûrement, pour éviter de se morfondre d'ennui. Aujourd'hui, ces nomades ont définitivement posé leur baluchon. Habitant villes et villages, grands consommateurs d'alcool et de programmes télévisés, à ne plus défier la nature, ils semblent trouver le temps long.

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